Chronique n° 33 du 22 avril 2024

Christophe Gevers (copyright Jean-Pierre Gabriel)

Et Christophe Gevers réinventa les restaurants bruxellois…

Mon éminent confrère Jean-Pierre Gabriel vient de consacrer une superbe monographie à l’architecte d’intérieur Christophe Gevers (1928-2007). En 432 pages illustrées et 500 photographies originales, il nous offre de redécouvrir la créativité de l’œuvre de Gevers en nous dévoilant notamment à quel point le « fabricator » influença la décoration des restaurants bruxellois pendant plusieurs décennies…

Christophe Gevers fut une personnalité unique du monde de l’architecture et du design belge au 20e siècle. Grâce à la palette très large de ses compétences, il fut tout autant artiste qu’artisan. En plus des intérieurs qu’il (re)créait, il inventa aussi de nombreux objets, mobiliers et éclairages. Non content de se dédier à ses clients, il accompagna des centaines d’étudiants entre 1959 et 1993 en tant que chef de l’atelier Mobilier et Agencement de la fameuse Ecole de la Cambre (où il côtoya des artistes tels que Félix Roulin, Tapta, Corneille Hannoset…).

C’est durant l’année de l’Expo Universelle de 1958 que son talent fut révélé au grand jour. Il conçut, à ce moment-là, en face du Palais des Beaux-Arts, une taverne à l’architecture avant-gardiste, le Cap d’Argent. Dans la foulée, il se vit confier l’aménagement de la Taverne des Beaux-Arts. Mais c’est en 1968 qu’il connut la consécration avec l’ouverture au Sablon du Vieux Saint-Martin pour Albert et Philippe Niels. S’en suivirent, toujours pour la famille Niels, quelques autres restaurants iconiques de Bruxelles, dont la Marie Joseph, le Duc d’Arenberg et le Canterbury, autant d’enseignes qui ont fait rêver plusieurs générations de Bruxellois du temps où « Bruxelles bruxellait ». Aujourd’hui, le Vieux Saint-Martin et le Canterbury sont encore là avec leur décoration due à la patte du maître. Mais le sommet de la collaboration entre Christophe Gevers et Philippe Niels repose sans doute sur le restaurant éphémère du pavillon belge à l’Expo Universelle d’Osaka en 1970. En réalité, pendant 6 mois, des dizaines de milliers de Japonais ont pu se gaver de spécialités belges, que ce soit dans le restaurant principal de 250 places, dans le restaurant de luxe de 60 places et dans les 4 « fritkots ».

Mais l’apport de Christophe Gevers au secteur de la restauration ne se limita pas aux brasseries de la famille Niels. Il fut également l’artisan de plusieurs restaurants d’entreprise, dont ceux de trois géants de la banque belge : la Société Générale de Banque, la Banque Bruxelles Lambert et le Crédit Communal de Belgique. En 1984, il réalisa même pour Quick son fast food de l’Avenue Louise. Remercions en tout cas Jean-Pierre Gabriel de nous avoir rappelé combien Christophe Gevers fit évoluer l’ambiance des restaurants les plus connus de Bruxelles par son esprit tout à la fois contemporain et intemporel, esthétique et fonctionnel.

Paul Grosjean

Chroniqueur bruxellois

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