A la découverte de Simone Guillissen-Hoa, pionnière du matrimoine bruxellois
C’est jusqu’au dimanche 22 septembre 2024 que le CIVA propose la première exposition consacrée à la vie, à l’œuvre, à l’héritage de l’architecte belge d’origine chinoise Simone Guillissen-Hoa (1916-1996). Inspirée par le modernisme, notre Bruxelloise fut la première femme à créer son propre bureau d’architecture en Belgique. Tout au long de sa carrière professionnelle, elle a constamment remis en question les conventions liées au genre, aux origines, à la religion…
Fille d’un ingénieur chinois et d’une écrivaine polonaise de confession juive, Simone Hoa est née le 7 mars 1916 à Pékin. C’est à partir de 1932 qu’elle s’installe à Bruxelles. Après ses études au Lycée Henriette Dachsbeck, elle intègre l’Ecole de la Cambre pour y étudier l’architecture sous la baguette d’Henry Van de Velde. Elle y fréquente alors Victor Bourgeois et Jean-Jules Eggerickx. Elle obtient son diplôme d’architecte en 1938, étant la quatrième femme diplômée de l’institut. C’est à cette époque qu’elle épouse Jean Guillissen, ingénieur belge qui milite au Parti Communiste comme elle. Nos deux tourtereaux partent ainsi combattre en Espagne, aux côtés des républicains contre les nationalistes du Général Franco. Le couple se sépare avant la Seconde Guerre mondiale. Jean Guillissen est fusillé en 1942 en tant que résistant. Simone Guillissen-Hoa, quant à elle, également engagée dans la résistance, est déportée dans les camps de concentration de Ravensbrück et Dachau.
Après la guerre, elle entame sa carrière d’architecte, collaborant avec Jacques Dupuis dans différents projets dont la maison Wittmann à Rhode-Saint-Genèse, la bijouterie Degreef au 25 de la Rue au Beurre à Bruxelles et l’Institut pour Aveugles de Ghlin. En son nom propre, elle réalise plusieurs projets résidentiels à Uccle, Wezembeek-Oppem, Woluwe-Saint-Lambert, Woluwe-Saint-Pierre, Kraainem, Linkebeek, Court-Saint-Etienne… A la Rue Langeveld, à Uccle, elle conçoit un immeuble à appartements où elle installe son bureau et son logement (aujourd’hui occupé par son fils Jean-Pierre Hoa). Pour ses habitations, Simone Guillissen-Hoa privilégie les plans ouverts, les baies vitrées, les matériaux naturels. Avec, entre autres, Roger Bastin, Jacques Dupuis, Jacques Wybauw, Jean-Pierre Blondel, elle fait partie des fondateurs de l’architecture moderniste de l’immédiat après-guerre en Belgique. Et pourtant, son nom n’est que très rarement associé aux projets auxquels elle contribue. Elle se heurte à ce plafond de verre qui existe dans de nombreuses professions dont celle d’architecte…
La vie de Simone Guillissen-Hoa traverse, de manière quasiment unique, les événements majeurs du XXe siècle, des prémices de la Révolution Chinoise à la Reconstruction de l’après-guerre en passant par la Guerre d’Espagne et les camps de la mort. Dans les années 50’, elle est membre de l’Association Soroptimist, organisation qui défend les droits des femmes. Dans les années 70’, elle prend part à la fondation de l’Union Internationale des Femmes Architectes. Avec Guillissen-Hoa, c’est peu dire que Bruxelles s’enrichit d’un matrimoine hors du commun. A vous d’aller le constater à la Rue de l’Ermitage dans cette superbe exposition due à Silvia Franceschini et à Yaron Pesztat. Remercions-les de nous faire connaître cette grande dame de l’architecture belge dont le seul « défaut » fut d’être une… femme !
Paul Grosjean
Chroniqueur bruxellois
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