Chronique n° 70 du 30 décembre 2024

On ne remerciera jamais assez la famille Wittamer d’avoir sauvé le somptueux Hôtel Solvay de la destruction… (copyright :Shutterstock_1601282017)

Hommage aux propriétaires-mécènes de trésors bruxellois

En relisant mes chroniques de 2024 et cherchant un fil conducteur, je me suis aperçu à quel point j’étais admiratif de celles et de ceux qui font le geste, non seulement de sauver un bien patrimonial, mais aussi de le pérenniser, en l’occupant à des fins personnelles et/ou professionnelles. Et s’il fallait rechercher un profil à travers tous ces propriétaires, force est de constater que l’Art Nouveau en attire beaucoup mais pas que… Retour sur ces personnalités que l’on peut qualifier de mécènes au sens noble du terme…

A tout seigneur, tout honneur, commençons par une femme, à savoir celle qui fait renaître de ses cendres, depuis 2005, l’Ancienne Nonciature à la Rue des Sablons. Historienne de l’art et architecte d’intérieur, Anne Derrasse est tombée amoureuse de ce superbe bâtiment néoclassique dont les origines remontent à 1827. Rappelons que le Cardinal Vincent Pecci, futur pape Léon XIII, y séjourna entre 1843 et 1846, en tant que nonce du Vatican. Et c’est après 1860 que Jean-André De Mot, cofondateur des Galeries Saint-Hubert, acquit l’immeuble. Son fils, Emile De Mot, avocat et bourgmestre, y habita toute sa vie. Aujourd’hui, Anne Derrasse ouvre, périodiquement, au public, sa demeure à l’occasion d’expositions, notamment de la Galerie Frédérick Moraux…

Mais comme je vous le disais, le chapitre « Art Nouveau » reste le plus important. Il y a d’abord le cas de celui qui rénove afin d’y installer ses bureaux. Je pense ici au grand avocat (et romancier) Alain Berenboom qui occupe l’Hôtel Otlet. Ce chef d’œuvre (datant de 1894) est dû à l’architecte Octave Van Rysselberghe (épaulé pour la circonstance par Henry Van de Velde). Un autre trésor est celui de Tron Nupur, cette indienne qui, par amour pour l’Art Nouveau, a restauré l’Hôtel Frison (créé par Victor Horta en 1895). A découvrir, également au Sablon, au numéro 37 de la Rue Lebeau… Mais c’est du côté de l’Avenue Louise qu’il faut aller chercher les chefs d’œuvre. Et tout d’abord, il y a l’Hôtel Solvay, conçu par Victor Horta en 1903 et sauvé in extremis de la « Bruxellisation » par la famille Wittamer en 1957. Devenue un musée sous la houlette de sa dynamique conservatrice, Dominique de Thibault, l’ancienne demeure d’Armand Solvay est maintenant accessible au public. Soulignons qu’en 2025, Alexandre et Victoire Wittamer, dignes héritiers de Louis et Berthe Wittamer, fêteront le 25e anniversaire de l’inscription de leur prestigieux édifice au patrimoine mondial de l’UNESCO. Et puis comment ne pas parler de Michel Gilbert, surnommé le « collectionneur de Victor Horta », qui est le seul habitant d’un hôtel particulier de l’Avenue Louise, en l’occurrence l’Hôtel Max Hallet (remontant à 1906). Egalement accessible au public, notamment à l’occasion du BANAD…

Et puis, je pourrais vous parler de la Villa Empain, merveille de l’Art Déco (créée par Michel Polak en 1934) et sauvée par la Fondation Boghossian en 2001. Et puis, il y a toutes ces demeures réhabilitées par des gens moins connus mais qui méritent tout autant notre admiration. En réalité, le point commun de tous ces mécènes est qu’ils ont acquis leurs biens sur un « coup de cœur » bien après leur création. En d’autres termes, ils ne sont pas les descendants des propriétaires historiques. Constatons que dans ce cas-là, la perception est totalement différente. Je fais ici allusion bien sûr au Palais Stoclet. Non pas que ce « chef d’œuvre absolu » soit mal entretenu par la famille. Que de du contraire ! Par contre, c’est toujours le « niet absolu » en ce qui concerne l’ouverture au public. Tout simplement pace que les descendants ne parviennent pas à s’entendre sur un projet commun. Peut-être devraient-ils s’inspirer du Musée van Buuren en créant une fondation… Mais comparaison n’est pas raison. A la différence d’Adolphe et Suzanne Stoclet, David et Alice van Buuren n’avaient pas d’enfants. A méditer…

Paul Grosjean

Chroniqueur historique     

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