Quand la Région Bruxelloise manque de maturité
En un tour de main, Ans Persoons, Secrétaire d’Etat au Patrimoine du Gouvernement (en affaires courantes) de la Région de Bruxelles-Capitale, est parvenue à se mettre à dos tous les milieux patrimoniaux de Bruxelles. Sa volonté de déplacer la Statue de la Maturité (créée par Victor Rousseau et située à proximité du siège de la banque BNP Paribas Fortis) ne passe vraiment pas. Et pour justifier sa démarche iconoclaste, elle a utilisé des motifs à connotation « wokiste ». Cette erreur de communication n’a fait qu’attiser le débat. « Triste wokisme » s’est écrié Dorian de Meeûs dans La Libre. Nadia Geerts, quant à elle, a évoqué un « grand coup de torchon dans le patrimoine des monuments et sites bruxellois ». En attendant, cette lamentable polémique (qui nous rappelle les pires heures de la « bruxellisation ») a quand même eu le mérite de mettre un grand coup de projecteur sur Victor Rousseau et le Square de la Maturité…
Victor Rousseau (né à Feluy le 16 décembre 1865 et mort à Forest le 17 mars 1954) était un sculpteur, peintre, aquarelliste et dessinateur belge de style classique. Il fut, au départ, un tailleur de pierre. C’est ainsi qu’il collabora au chantier du Palais de Justice sous la direction de Joseph Poelaert. Il travailla également avec Victor Horta. Parmi ses bustes les plus célèbres, pointons ceux du Roi Albert Ier, de la Reine Elisabeth, d’Ernest Solvay, d’Eugène Ysaÿe et de Constantin Meunier. Il est aussi à découvrir sur la façade de l’Hôtel Hannon à Saint-Gilles et sur la rotonde des Musées Royaux d’Art et d’Histoire au Cinquantenaire. Membre de l’Académie Royale de Belgique et correspondant de l’Institut de France, il peut être considéré comme un sculpteur remarquable par son style esthétique s’inscrivant dans la tradition gréco-romaine…
En ce qui concerne l’espace impliquant la statue et le square de la Maturité, il faut se référer à la Commission Royale des Monuments et Sites. Selon cette vénérable institution, la « valeur patrimoniale de cet ensemble urbain est hors du commun ». En réalité, ce projet fut mené à bien grâce à la collaboration étroite entre trois éminentes personnalités de la Belgique du début du XXe siècle : François Malfait (1872-1955), architecte de la Ville de Bruxelles, Jules Buyssens (1872-1958), architecte en chef des Parcs et Jardins de la Ville de Bruxelles et Victor Rousseau, parmi les plus grands sculpteurs de son époque. Le résultat fut une œuvre totale alliant art, architecture et végétation. En d’autres termes, ce « témoin particulièrement remarquable de la typologie des squares ainsi que de l’urbanisation du centre de Bruxelles » est indivisible. Pas question de retirer la statue pour faire de la place au masterplan « Coteaux du Pentagone » conçu par Bas Smets et visant à repenser l’espace public à proximité de la Gare Centrale. Car là est le cœur du problème. Pour le gouvernement bruxellois, il serait sacrilège de perturber le projet mirifique du grand paysagiste belge (qui, par ailleurs, va reverdir le Parvis de Notre-Dame de Paris). Mais, au fond, qu’en pense Bas Smets ?
Paul Grosjean
Chroniqueur historique
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