Chronique n° 11 du 13 novembre 2023

Hôtel Solvay (copyright Shutterstock 1601282017)

A la découverte des trésors de l’Avenue Louise

Comme le soulignait récemment mon excellente consoeur de L’Echo, Pauline Deglume, en référence au masterplan lancé par la Ministre Elke Van den Brandt, l’Avenue Louise est au centre de l’attention en matière d’aménagement urbain. Pour le Bourgmestre de Bruxelles, Philippe Close, « il faut de l’ambition et refaire une belle promenade reliant les commerces de luxe du Boulevard de Waterloo à la Maison Degand ». Ce serait en quelque sorte un retour à l’esprit originel de l’Avenue Louise. Cette affirmation me fournit l’occasion de vous rappeler l’histoire fabuleuse de cette artère qui fait partie intégrante de l’image de Bruxelles…

En fait, l’idée de l’Avenue Louise remonte au règne de Léopold Ier. Ce serait en 1844 qu’aurait surgi, à l’initiative de deux promoteurs immobiliers, Jean-Philippe De Joncker et Jean-Baptiste Jourdan, le premier projet de relier le centre de la ville au Bois de la Cambre. La volonté était de créer une « avenue-promenade » telle qu’il y en avait dans de nombreuses capitales au 19e siècle. Il fallut attendre deux décennies pour que les choses se concrétisent. C’est en 1864, soit un an avant le décès de Léopold Ier, que fut créée officiellement l’Avenue Louise. L’appellation avait été choisie en hommage à la fois à la première Reine des Belges, Louise d’Orléans (1812-1850) et à sa petite-fille, la Princesse Louise de Belgique (1858-1924), fille du futur Léopold II. Le territoire de l’Avenue Louise, originellement situé sur la commune d’Ixelles, fut annexé à celui de la Ville de Bruxelles (à partir de la Place Stéphanie).

Dans les décennies suivantes, l’artère bruxelloise fut le théâtre de trois événements totalement différents. Il y eut tout d’abord, au 193 de l’Avenue Louise, le 8 juin 1903, la naissance de Marguerite de Crayencour dite Marguerite Yourcenar, première femme à entrer à l’Académie Française. Ensuite, le 20 janvier 1943, le pilote Jean de Selys Longchamps, avec son chasseur Hawker Typhoon, mitrailla le siège de la Gestapo au 453 de l’Avenue Louise. Cet acte héroïque fut salué par toute la population bruxelloise. Enfin, quinze années plus tard, à l’occasion de l’Exposition Universelle de 1958, eut lieu la transformation de l’Avenue Louise en autoroute urbaine. Cette configuration est (hélas) encore d’actualité…

Même si certains prétendent qu’elle a été défigurée, soulignons que l’Avenue Louise et ses alentours excipent d’un patrimoine tout à fait exceptionnel dont deux génies de l’Art Nouveau, Victor Horta (1861-1947) et Octave Van Rysselberghe (1855-1929), furent les auteurs. Tout d’abord, il faut savoir que l’Art Nouveau est né juste à côté de l’Avenue Louise, précisément au numéro 6 de la Rue Paul-Emile Janson, là où Victor Horta conçut l’Hôtel Tassel en 1893. Cinq ans plus tard, en 1898, au 224 de l’Avenue Louise, le même Horta inventa un autre chef d’œuvre de l’Art Nouveau, l’Hôtel Solvay pour ne pas le nommer (voir photo ci-dessous). Puis, il créa en 1906, au 346 de l’Avenue Louise, l’Hôtel Max Hallet. Signalons enfin qu’au 520 de l’Avenue Louise, le génial architecte belge conçut en 1902 le magnifique Hôtel Aubecq (malheureusement démoli en 1950). Mais, au-delà de Victor Horta, n’oublions pas le trop méconnu Octave Van Rysselberghe (à redécouvrir dans le superbe livre de Françoise Levie) dont deux réalisations de 1898 ont marqué les environs de l’Avenue Louise : l’Hôtel Otlet au coin des rues de Florence et de Livourne ainsi que l’Hôtel De Brouckère à l’angle des rues Jordaens et De Crayer.

Bref, quand on voit la qualité de ce patrimoine, on se met à rêver d’une balade pédestre à la découverte de l’Art Nouveau autour de l’Avenue Louise débarrassée de ses voitures. Peut-être pas si utopique que cela…

Paul Grosjean

Chroniqueur / Auteur / Narrateur

+32 477 336 322

paul@metropaul.brussels