Chronique n° 13 du 27 novembre 2023

Entrée principale et façade extérieure de l’Hôtel Amigo (copyright : Shutterstock 2183677149)

A l’Amigo, du cachot à la suite, il n’y a qu’un pas…

L’Hôtel Amigo vient d’annoncer le lancement de son Bar Magritte, le seul bar dédié à la vie et à l’œuvre du maître né il y a tout juste 125 ans. Cela signifie que tous les cocktails proposés dans cet établissement font référence à l’artiste bruxellois (que j’ai évoqué précédemment). Je profite donc de cette actualité festive pour rappeler l’histoire, tellement surréaliste, de cet hôtel iconique de Bruxelles…

Peu de gens savent qu’avant d’être l’Hôtel Amigo, cet immeuble, situé à proximité de la Grand-Place, dans la Rue de l’Amigo, abrita, pendant des siècles, une prison dont les origines remontent précisément à 1522. Ceci explique pourquoi l’Amigo a fêté, l’an passé, ses… 500 ans ! D’où la sortie, il y a 12 mois, à la Renaissance du Livre, de l’ouvrage de Benoît Vandevelde « L’Amigo et Bruxelles (1522-2022) – D’une prison à un hôtel mythique »…

Comme le précise Benoît Vandevelde, au départ, au 16e siècle, à l’époque de Charles Quint, la prison portait le doux nom de Vrunt, mot signifiant « enclos ». C’était en réalité une maison de détention où il y avait 20 cellules et où l’on restait le temps d’un procès. Quelques années plus tard, sous Philippe II, la prison prit le nom d’Amigo à la suite d’une erreur des Espagnols qui confondirent Vriend (ami) et Vrunt (enclos). Inutile de dire que, sous l’Inquisition du Duc d’Albe, l’établissement affichait régulièrement « complet ». Les motifs d’incarcération étaient essentiellement d’ordre religieux. L’emprisonnement (au cours duquel la torture était pratiquée) se terminait souvent par une exécution sur la Grand-Place. Après cette trouble période espagnole, sous le régime autrichien, l’Amigo garda son affectation. François Anneessens, accusé d’avoir été le principal instigateur des émeutes de Bruxelles de 1717, passa par là avant d’être exécuté. Et c’est en 1795, au temps où la Belgique était un département français, que le célèbre aventurier Eugène-François Vidocq s’évada de la prison de l’Amigo. Quelques années plus tard, en 1848, sous le règne de Léopold Ier, Karl Marx et son épouse, Jenny  von Westphalen, y passèrent une nuit avant d’être expulsés du pays vers la France. Enfin, en 1873, alors qu’il venait de tenter d’assassiner Arthur Rimbaud, Paul Verlaine écrivit une lettre à Victor Hugo depuis sa cellule de la Rue de l’Amigo pour lui demander (en vain) de l’aider. Finalement, c’est peu avant 1930, après plus de 400 ans d’existence, que la prison fut détruite…

Le bâtiment put renaître de ses cendres, une trentaine d’années plus tard, à l’occasion de l’Expo 58. A l’initiative de la famille Blaton, célèbre dynastie de bâtisseurs belges, se construisit un endroit où l’on pouvait recevoir les plus hautes personnalités de passage à Bruxelles pour visiter le plateau du Heysel. Finalement, c’est en janvier 2000 que l’Hôtel Amigo fut intégré au groupe Rocco Forte. A partir de là, le bâtiment fut l’objet de longs et méticuleux travaux de rénovation. Aujourd’hui, au-delà de la renaissance du palace bruxellois, sis dans le cœur historique de la capitale, retenons qu’une partie du pavement original en pierres bleues du Hainaut (datant du 17e siècle) est encore présent…

Paul Grosjean

Chroniqueur historique

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