Chronique n° 3 du 18 septembre 2023

N’oublions pas l’histoire fabuleuse du Palais de la Bourse

C’est ce samedi 9 septembre que le Belgian Beer World a été ouvert au public dans l’ancien Palais de la Bourse. Cet événement économico-politico-médiatique n’est pas sans soulever de multiples questions, que ce soit sur le plan du surtourisme dans le pentagone de Bruxelles ou du bon usage des pépites du patrimoine bruxellois. En ce qui me concerne, cela me fournit l’occasion de rappeler le passé prestigieux de ce bâtiment qui, espérons-le, devrait bientôt fêter ses 150 ans. N’oublions pas que ce palais, tellement emblématique du règne de Léopold II, fut inauguré en 1873, soit sept ans avant le Palais du Midi et dix ans avant le Palais de Justice…

En réalité, l’histoire de ce Palais de la Bourse remonte à 1801, sous l’époque française, lorsque fut créée la Bourse de Bruxelles, appelée alors Bourse de Commerce. Cette bourse occupa successivement plusieurs locaux, en étant chaque fois à l’étroit dans des conditions insalubres. C’est ainsi que, dès 1858, sous Léopold Ier, en plein boom économique, les milieux d’affaires réclamèrent, aux autorités communales, la construction d’une nouvelle bourse dans le cœur de Bruxelles. Il fallut ensuite attendre 10 ans pour que le chantier fut lancé par l’architecte Léon-Pierre Suys, qui n’était autre que le fils de Tilman-François Suys, l’architecte de Léopold Ier. Rappelons que Léon-Pierre Suys procéda surtout au voûtement de la Senne et au tracé des boulevards du centre. Le chantier de la Bourse, qui s’inscrivit dans ses grands travaux, dura finalement cinq ans, entre 1868 et 1873, avant que l’immeuble ne fut intronisé par Léopold II et Jules Anspach, Bourgmestre de Bruxelles…

Retenons que les 4 façades conçues par Suys mêlent les styles néo-Renaissance et Second Empire. Il faut savoir également qu’un second architecte, Jules Brunfaut pour ne pas le nommer, réalisa vingt ans après l’inauguration, en 1893, deux paires de colonnes corinthiennes. Ce qui est sûr, c’est que de très riches ornementations agrémentaient les 4 façades de l’édifice, faisant l’admiration des contemporains. Et l’intérieur était aussi spectaculaire puisque le bâtiment était dominé par la coupole centrale. A l’instar des façades extérieures, la décoration intérieure était opulente. Il y avait notamment deux couples de cariatides dues au grand sculpteur Auguste Rodin qui habitait à Bruxelles en ces temps-là. C’était réellement le temple du capitalisme triomphant tel qu’il fut célébré par la jeune Belgique au 19e siècle.

Par la suite, durant tout le 20e siècle, plusieurs générations d’agents de change allaient propager, dans tout le cœur de Bruxelles, cet art de vivre propre à leur corporation. Partant du Palais de la Bourse, ils allaient jusqu’aux Galeries Saint-Hubert en passant par l’Hôtel Métropole et le Théâtre de la Monnaie. C’était au temps où, réellement, « Bruxelles bruxellait ». Et c’est en 2014 que les derniers agents de change quittèrent le Palais de la Bourse, marquant la fin de cette histoire prestigieuse…

Paul Grosjean

Chroniqueur / Auteur / Narrateur

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