Et si on visitait l’Ancienne Nonciature ?
C’est ce samedi 4 mai 2024 que s’est terminée au Sablon à l’Ancienne Nonciature l’exposition de la Galerie Frédérick Mouraux qui proposait notamment Barbara Kandiyoti, Philippe Pasqua, Yom de Saint Phalle, Bob Verschueren et dont Flavie Durand-Ruel était la curatrice. Cet événement artistique me fournit l’occasion de rappeler l’histoire prestigieuse de ce trésor caché de Bruxelles. Sauf pour les habitués du Grand Sablon…
Au 16e siècle, la proximité du Palais du Coudenberg, résidence de Charles Quint, faisait du quartier du Sablon un lieu très recherché. C’est ainsi que vers 1530, Maximilianus Transylvanus, secrétaire privé de l’empereur, y érigea une somptueuse demeure. De cette période où Bruxelles était la capitale du monde, il subsiste les caves voûtées du bâtiment. Au milieu du 16e siècle, l’hôtel fut repris par la famille de Croÿ-de-Solre. Connue sous le nom de Palatium Solreanum, la propriété fut alors agrandie. Au 17e siècle, le palais se retrouva en la possession de la Maison d’Arenberg, puis de celle de Merode. Au 18e siècle, il passa dans les mains du Marquis de Wemmel. A cette époque, la galerie de tableaux comportait des Rubens, des Van Dyck, deux Bruegel et deux Rembrandt.
Après plusieurs successions, l’immeuble fut morcelé avant d’être détruit. En 1827, à la fin de la présence hollandaise, cinq hôtels particuliers furent construits (dont trois subsistent à la Rue des Sablons). Les salons datant de cette époque existent toujours, superbes témoins du style néo-classique en vogue à ce moment-là. En 1843, l’hôtel devint l’ambassade du Vatican et servit de résidence au nonce apostolique. C’est ainsi que le Cardinal Vincent Pecci, qui allait devenir pape sous le nom de Léon XIII, y séjourna de 1843 à 1846. Après 1860, l’hôtel fut acquis par Jean André De Mot, cofondateur des Galeries Royales Saint-Hubert avec Jean-Pierre Cluysenaar. C’est lui qui aménagea le grand escalier d’honneur de style éclectique. Un de ses fils, Emile De Mot, avocat et Bourgmestre de Bruxelles, y habita toute sa vie. Ensuite, l’immeuble fut loué à un marchand d’antiquités.
En 2005, Willy d’Huysser et Anne Derrasse se portèrent acquéreurs de l’édifice. Ils firent de lourds travaux de restauration afin de rendre à la bâtisse son lustre d’antan. Après la mort de Willy d’Huysser, en 2011, Anne Derrasse poursuivit seule la rénovation. Ensuite, elle fut épaulée par son compagnon, l’artiste Jörg Bräuer. Ensemble, ils trouvèrent la force de redonner vie à cet espace chargé d’histoire. Il faut dire qu’elle est architecte d’intérieur et historienne de l’art. En se penchant sur l’histoire oubliée des lieux, en la respectant et en lui insufflant un nouvel élan, elle est parvenue à restituer les majestueux volumes d’origine par sa capacité à structurer l’espace. Ainsi, la cage d’escalier monumentale, véritable centre névralgique de la maison, a retrouvé son déploiement vers les salons d’apparat et les coursives latérales. Les stucs, les bas-reliefs, les boiseries, les parquets ont été restaurés avec patience et minutie. Les chapiteaux des colonnes, les pilastres et les médaillons ont été dorés à la feuille d’or. Une élégance intemporelle se dégage de cette demeure historique, laissant ses visiteurs sous le charme. Si vous voulez visiter l’Ancienne Nonciature, une belle opportunité se présentera à vous en septembre lorsque la dynamique Galerie Frédérick Mouraux y présentera une nouvelle expo. Affaire à suivre…
Paul Grosjean
Chroniqueur bruxellois
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