Chronique n° 42 du 24 juin 2024

Pavillon chinois (copyright : Shutterstock_196801271)

Le Pavillon chinois retrouvera-t-il son lustre d’antan ? 

C’est lors de son dernier Conseil des Ministres du 17 mai 2024 que le gouvernement d’Alexander De Croo a approuvé le principe de créer une ASBL avec comme membres fondateurs la Régie des Bâtiments et le SPF Affaires Etrangères. Les objectifs de cette association « public-public » sont de restaurer, sauvegarder et exploiter le site du Pavillon chinois à Laeken. Aux manettes de ce beau projet, l’on retrouve Diane Hennebert qui a déjà à son actif la restauration de l’Atomium et celle de la Villa Empain. Son idée fondamentale est de s’inspirer du thème général des routes de la soie pour développer des activités culturelles et touristiques ayant pour vocation de soutenir les échanges entre l’Europe et l’Asie. Cette annonce me fournit l’occasion de vous rappeler l’histoire tellement bruxelloise de ce chef d’œuvre en péril…

En réalité, il faut réunir dans le même récit le Pavillon chinois et la Tour japonaise, tous deux situés à front de l’Avenue Van Praet, en lisière du domaine royal de Laeken. Tout a commencé précisément en 1900 lorsque Léopold II visita l’Expo Universelle de Paris. C’est là qu’il rencontra l’architecte Alexandre Marcel qui avait notamment réalisé le Pavillon du Tour du Monde à la demande de la Compagnie des messageries maritimes. Pour info, par la suite, Alexandre Marcel allait concevoir, pour le Baron Empain, le Palais Hindou à Heliopolis (1910) et le Château Empain à Enghien (1913). Particulièrement séduit par le Panorama du Tour du Monde, notre roi bâtisseur demanda donc à l’architecte français de créer un projet similaire pour son parc à Laeken. Le Parisien imagina un complexe composé de quatre édifices : un pavillon chinois, une tour japonaise, un kiosque et une dépendance. Il commença les travaux par la Tour japonaise qui fut construite entre 1901 et 1904 du vivant de Léopold II. Le chantier du Pavillon chinois, quant à lui, débuta en 1903 pour s’achever, avec tous les équipements d’un restaurant de luxe, en 1910, soit quelques mois après le décès de Léopold II. Il ne trouva jamais d’exploitant.

En fait, c’est en mars 1908 que le Pavillon et la Tour furent cédés à l’Etat belge dans le cadre du Traité de Cession de l’Etat indépendant du Congo à la Belgique. La Tour devint alors un centre d’information et un lieu d’exposition sur le Japon. Cinq ans plus tard, en 1913, le Pavillon fut ouvert au public en tant qu’espace de vente de produits d’Extrême-Orient (porcelaines, soies, meubles, tapis… ). Après la Première Guerre mondiale, le Pavillon chinois et la Tour japonaise furent gérés par les Musées Royaux d’Art et d’Histoire. La Seconde Guerre mondiale entraîna une nouvelle fermeture du site. Souffrant de problèmes récurrents d’étanchéité, d’entretien et de surveillance, la Tour japonaise ferma ses portes pendant plus de 40 ans jusqu’à sa restauration partielle à l’occasion d’Europalia Japon en 1989. Inversement, le Pavillon chinois, grâce au legs Henri Verhaeghe de Naeyer, put, à partir de 1946, être affecté à des fins muséales. Après sa fermeture et de longs travaux de rénovation, il fut rouvert au public en 1995. Finalement, c’est en 2013 que le Pavillon chinois et la Tour japonaise furent fermés au public à cause de graves soucis d’infrastructure. Les œuvres d’art furent alors transportées dans les réserves des MRAH qui en exposèrent une petite partie. Rappelons que le jardin autour du pavillon et de la tour, restauré en 1989, fut classé comme site en juin 1997 tandis que le Pavillon chinois fut classé en décembre 2019.

On nous dit que le Pavillon chinois sera à nouveau accessible au public à partir de 2027 (à l’occasion du 80e anniversaire des relations diplomatiques entre la Belgique et la Chine). En ce qui me concerne, je pense qu’il est plus réaliste de penser que tout sera prêt pour le bicentenaire. Heureusement, grâce à l’apport de mécènes privés, Diane Hennebert est capable d’ouvrir son Palais des Routes de la Soie en 2030. Pour la Tour japonaise, c’est une autre histoire…

Paul Grosjean

Chroniqueur bruxellois

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