A la découverte de l’histoire fabuleuse des passages bruxellois
En ce moment, il est beaucoup question de la reconversion de la Galerie Bortier qui fait partie des trésors bruxellois en matière de passages historiques. Cette actualité me fournit l’occasion de rappeler l’histoire des galeries commerciales au 19e siècle à Bruxelles. A déguster sans modération…
En Europe, le premier passage remonte précisément à 1786 et il se situait à Paris. Philippe d’Orléans, Duc de Chartres, fit construire à cette époque les Galeries de Bois devant le Palais-Royal. Une des galeries parisiennes qui marqua ensuite les esprits fut la Galerie Vivienne inaugurée en1825. Par après, l’architecte Pierre Fontaine (1762-1853) construisit en 1829 la fameuse Galerie d’Orléans. C’était à ce moment-là le passage le plus vaste de Paris. Cette galerie inspira ensuite Jean-Pierre Cluysenaar (1811-1880) pour les Galeries Saint-Hubert de Bruxelles et Giuseppe Mengoni (1829-1877) pour la Galerie Vittorio Emanuele II de Milan.
Si Paris a inventé les passages couverts, ce nouveau mode d’organisation commerciale s’étendit, à partir de 1820, aux principales villes d’Europe. Le passage devint un véritable phénomène de mode. C’est en 1820, avec le Passage de la Monnaie (aujourd’hui disparu), que Bruxelles imita Paris, permettant à la Belgique de rejoindre le peloton des pays précurseurs dans ce type de monument. Cet état de grâce bruxellois fut de courte durée puisque Liège surpassa rapidement la capitale belge par l’ouverture du Passage Lemonnier en 1839. Bruxelles réintégra le haut du panier en 1847 grâce aux Galeries Saint-Hubert qui, par leur ampleur et leur magnificence, effaçaient tout ce qu’on avait pu voir jusque-là. L’inauguration de ces passages par les plus hautes autorités du pays le 20 juin 1847 fut le moment le plus important de l’histoire des passages bruxellois. Avec la Galerie Bortier, inaugurée en 1848 et conçue également par Jean-Pierre Cluysenaar, l’ambition était moindre. Il s’agissait d’établir la liaison entre la Rue de la Madeleine et la nouvelle Rue Saint-Jean. En fait, le projet du propriétaire, Pierre-Louis Bortier (1805-1879), était d’envisager ce passage en complément de l’énorme complexe du Marché de la Madeleine.
Ensuite, il fallut attendre plus de 20 ans pour voir apparaître de nouveaux passages à Bruxelles. La Galerie du Commerce fut le premier passage ouvert après la percée des boulevards centraux dans le nouveau quartier de la Place de Brouckère ou Quartier du Marais. L’idée était de fournir un dégagement à la Rue Neuve fort encombrée. C’est en 1871 que le Conseil Communal donna l’autorisation d’édifier le projet conçu par Edmond Legraive (1847-1923) et dont il ne reste plus grand-chose aujourd’hui, si ce n’est un cloaque reliant la Place des Martyrs à la Rue d’Argent. D’une toute autre teneur fut le Passage du Nord construit en 1881 et 1882. Ce monument, dû aux plans de l’architecte Henri Rieck, assumait au départ une fonction muséale et culturelle. Le bâtiment abritait, en effet, en son premier étage, un théâtre et le Musée Castan, célèbre pour ses personnages de cire. A cette époque, le Passage du Nord était le voisin du siège de la Caisse Générale d’Epargne et de Retraite. Cet immeuble, conçu par l’architecte Antoine Trappeniers (1824-1887), devint en 1895, à l’initiative de la famille Wielemans, l’Hôtel Métropole.
En réalité, il subsiste aujourd’hui quatre passages historiques à découvrir à Bruxelles : les Galeries Royales Saint-Hubert, la Galerie Bortier, le Passage du Nord et la Galerie du Commerce. On pourrait même dire cinq passages puisque, dans le bâtiment rénové de la Bourse de Bruxelles, les architectes ont percé un nouvelle galerie sur le modèle des Galeries Royales Saint-Hubert. Depuis son inauguration, il y a un an, cet espace a déjà été traversé par 1,3 millions de visiteurs. Force est de constater que la rénovation urbaine passe aussi par le recyclage…
Paul Grosjean
Chroniqueur historique
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