Chronique n° 57 du 7 octobre 2024

En permettant la restauration de la façade de l’Hôtel Solvay, les autorités bruxelloises ont contribué à sauver, pour la seconde fois, ce chef d’œuvre de l’Art Nouveau… (copyright : Cabinet Ans Persoons, Secrétaire d'Etat à la Région de Bruxelles-Capitale, chargée de l'Urbanisme et du Patrimoine).

Hôtel Solvay et Famille Wittamer sont indissociables

Il y a quelques jours, les plus hautes autorités du patrimoine de la Région de Bruxelles-Capitale et de la Ville de Bruxelles, en compagnie du propriétaire, Alexandre Wittamer, ont eu le plaisir de célébrer la fin des travaux de restauration de la façade de l’Hôtel Solvay (situé au numéro 224 de l’Avenue Louise). L’événement est d’importance car ce trésor dû au génie de Victor Horta, de par son inscription au patrimoine de l’UNESCO, fait rayonner Bruxelles à travers le monde. Cela me fournit l’occasion de rappeler que cette merveille de l’Art Nouveau belge aurait été rayée de la carte sans l’intervention quasi miraculeuse de la famille Wittamer…

C’est durant l’entre-deux-guerres, à partir de la société Couture 33, que Louis Wittamer et Berthe De Camps eurent la bonne idée de créer leur propre maison de couture qui allait devenir la première du pays à travers les enseignes Valens et Jane d’Anjou. Les Wittamer achetaient à Paris les modèles de Christian Dior, Balmain, Paco Rabanne, Pierre Cardin, Yves Saint-Laurent, pour ne citer qu’eux. Mais ils étaient également dans la création, surtout de robes de fête et de mariée. Leur activité était soutenue par une clientèle internationale, en particulier pour les robes de mariée qui étaient commandées par une clientèle belge, américaine ou résidant au Congo. Ce n’est pas par hasard si Louis et Berthe organisèrent en 1958, à New York et dans d’autres villes américaines, une exposition sur l’élégance belge qui présentait habillement, dentelles et œuvres d’art…

C’est donc en 1957 que Louis Wittamer et Berthe De Camps achetèrent à la famille Solvay son Hôtel éponyme (inhabité depuis 1945). Leur initiative fut décisive car les promoteurs se bousculaient au portillon afin de racheter cette superbe demeure bruxelloise. Il s’agissait pour eux de la détruire et de la remplacer, avec le consentement des autorités, par un de ces horribles immeubles dont Bruxelles avait le secret à cette époque. En réalité, notre couple recherchait, pour leurs ouvriers, des espaces lumineux et bénéficiant d’une bonne aération. Force est de constater que l’édifice de l’Avenue Louise répondait parfaitement à leurs critères. Très vite, les Wittamer allaient tomber amoureux de cette maison qui était pour eux tout à la fois salons de vente et ateliers. Au premier étage, se tenaient les défilés dédiés à la clientèle et au deuxième étage, se façonnait la haute couture. Après Louis et Berthe, ce furent Michel et Jacqueline Wittamer qui s’attelèrent à la gestion de l’entreprise familiale. Et c’est à la fin des années 90’ que la Maison Valens mit un terme à ses activités.

Aujourd’hui, c’est la 3e génération des Wittamer qui est aux manettes de l’Hôtel Solvay. Alexandre et Victoire perpétuent cette tradition des couples iconiques dont la famille Wittamer peut s’enorgueillir. Il n’y a plus d’activités commerciales dans l’immeuble qui est devenu un musée le 23 janvier 2021. Sous la baguette dynamique de sa conservatrice, Dominique de Thibault et dans le strict respect des mesures conservatoires, cet espace culturel a accueilli près de 100.000 visiteurs depuis son ouverture. Alexandre Wittamer consacre ses temps libres à la gestion de ce temple de l’Art Nouveau dans un parfait esprit de partenariat avec les autorités régionales et communales. Comme le Musée van Buuren, l’Hôtel Solvay est toujours dans son état initial, qu’il s’agisse de l’architecture extérieure ou de la décoration intérieure. A ce sujet, signalons que dans ces deux maisons historiques, c’est la même architecte, Barbara Van der Wee, qui supervise les travaux de restauration. Assurément, la famille Wittamer peut être fière de célébrer en 2025 le 25e anniversaire du classement de sa demeure au patrimoine mondial de l’UNESCO. Les Wittamer font partie de ces quelques Bruxellois qui ont pu limiter la casse engendrée par la Bruxellisation à partir de la fin des années 50’. S’il y avait eu d’autres citoyens courageux, il est possible que deux chefs d’œuvre de Victor Horta, en l’occurrence la Maison du Peuple et l’Hôtel Aubecq, seraient accessibles au public aujourd’hui. Hélas, on ne refait pas l’Histoire…

Paul Grosjean
Chroniqueur historique
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