Chronique n° 60 du 28 octobre 2024

L’exposition d’Isabelle de Borchgrave dédiée à Frida Kahlo aux Musées Royaux des Beaux-Arts à la Rue de la Régence attira 60.000 visiteurs…

Quand Bébelle rime avec Bruxelles…

Quelques jours après la superbe messe qui lui fut dédiée en l’Eglise Notre-Dame des Victoires au Sablon, j’aimerais, moi aussi, rendre hommage à Isabelle de Borchgrave. En réalité, je souhaiterais saluer sa mémoire sous un angle que la presse nationale n’a pas pu aborder : celui de son identité typiquement bruxelloise. Car, selon moi, « Bébelle », ainsi que la surnommaient ses amis, fut d’abord et avant tout une artiste bruxelloise. Comme Antoine Wiertz, Constantin Meunier, René Magritte, Marcel Broodthaers, Roger Somville ou Pierre Alechinsky, elle fait rayonner Bruxelles à travers le monde. France, Suisse, Italie, Grande-Bretagne, Canada, Etats-Unis, Mexique, Brésil, Japon, elle s’est attelée, avec son incroyable énergie, à exposer ses créations aux quatre coins de la planète. Et malgré cette reconnaissance internationale, elle a toujours placé son camp de base à Bruxelles. Tout simplement parce qu’elle ne pouvait pas s’imaginer ailleurs…

Décoratrice, styliste, peintre, sculptrice, designeuse, Isabelle de Borchgrave est née le 10 avril 1946 à Etterbeek. Elle est la fille d’Albert et Françoise Jacobs. Elle appartient à cette famille Jacobs où l’on est notaire à Bruxelles, de père en fils ou d’oncle à neveu, depuis 1815, année de fondation de l’étude de Jean-Baptiste Jacobs. C’est dire s’il y avait dans ses gènes cet ancrage foncièrement bruxellois. La petite Isabelle Jacobs, quant à elle, décida, très jeune, de se tourner vers l’art. Elle commença à 14 ans ses études artistiques au Centre des Arts Décoratifs. Ensuite, elle obtint son diplôme de l’Académie Royale des Beaux-Arts de Bruxelles. Et c’est le 24 mai 1975 qu’elle épousa Werner de Borchgrave d’Altena. Pendant près de 50 ans, « Bébelle et Werner » allaient développer des projets incarnant un art de vivre tout à la fois élégant et flamboyant. Certains se souviennent de leur magasin, « La Tour de Bébelle », situé à la Rue de Rollebeek, dans le quartier du Sablon. Bébelle posa ensuite son atelier à la Rue Sainte-Anne à proximité du pâtissier Wittamer. En réalité, à l’instar de l’étude du notaire Jacobs, tout est parti du Sablon pour Isabelle de Borchgrave. Ce n’est pas par hasard si elle a peint la Place du Grand Sablon avec ce style « naïf » qu’elle affectionnait. Et c’est en avril 2010 que « Bébelle » installa son superbe atelier dans les locaux aménagés par les architectes Claire Bataille et Paul Ibens à Ixelles. Bien que désormais célèbre pour ses collections en papier, notre « Paper Lady » ne cessa jamais de peindre et de sculpter.

Ce n’est pas un secret, Isabelle de Borchgrave était très proche de la famille royale de Belgique et de la famille grand-ducale du Luxembourg. Sans être nullement féministe, elle était également attirée par des femmes d’exception comme la Reine Fabiola, Coco Chanel ou Frida Kahlo (dont l’exposition conçue par Bébelle aux Musées Royaux des Beaux-Arts attira 60.000 visiteurs). Même si elle ne versait pas dans la « zwanze bruxelloise », elle avait ce sens de la fête propre à de nombreux quartiers de Bruxelles. Au Vieux-Saint Martin, les Niels se rappellent encore de ce défilé mémorable qu’elle organisa en leur premier étage. Profondément bruxelloise, elle réalisa même un costume pour le Manneken Pis que vous pouvez découvrir au Musée de la Ville de Bruxelles. Et par sa folie des voyages, Isabelle de Borchgrave symbolisait parfaitement cet esprit cosmopolite qui est la marque de Bruxelles. En tout cas, le plus bel hommage que vous puissiez lui rendre sera de visiter l’exposition « Isabelle de Borchgrave/Couleurs » qui aura lieu en son atelier de la Chaussée de Vleurgat du 8 novembre au 8 décembre de cette année…

Paul Grosjean

Chroniqueur historique

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