Chronique n° 67 du 9 décembre 2024

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Et si on apprenait à aimer le brutalisme en Belgique ?

Le brutalisme tire son origine du terme « brut » auquel Le Corbusier se référait pour désigner l’aspect sauvage, naturel et primitif du béton lorsque celui-ci était utilisé sans transformation. Malgré cette appellation, il n’y avait, pour l’architecte franco-suisse, rien de brutal dans ce matériau pratique et peu coûteux.  C’est, en tout cas, ce que révèle parfaitement le superbe opus que vient de sortir Prisme, Brutalism in Belgium (1950-1980) (à mettre sous le sapin). Après l’avoir lu, vous ne regarderez plus le béton de la même manière. En fait, ce projet éditorial met en lumière, de façon remarquable, les principaux édifices brutalistes qui ont été érigés en Belgique durant les années 1950-1980. Grâce à la « patte » du photographe Pierrick de Stexhe et à la pédagogie des auteurs du livre, ces œuvres sont littéralement sublimées. Ainsi, parmi cette cinquantaine de réalisations « revisitées », j’aimerais vous en présenter  deux qui ont retenu mon attention…

Selon Jean-Marc Basyn, l’immeuble CBR, anciennement siège des Cimenteries et Briqueteries Réunies, situé à la Chaussée de La Hulpe à Boitsfort, représente une icône de l’architecture fonctionnaliste. Sélectionné par le MoMA à New York pour sa célèbre exposition de 1979, Transformations in Modern Architecture, il est le fruit de la créativité des architectes Constantin Brodzki et Marcel Lambrichs ainsi que du paysagiste René Pechère. Sa façade, constituée de 756 modules ovales (préfabriqués en béton de ciment blanc), est composée sans hiérarchie. Les fenêtres, dépourvues de châssis, encadrent des vitres teintées en orange, enchâssées directement dans le béton. Ce choix architectural nécessita la mise en place d’un système de conditionnement d’air. L’intérieur, conçu comme une œuvre totale, marie le mobilier de Jules Wabbes et de Florence Knoll. L’ensemble (datant de 1970) fut restauré par Constantin Brodzki lui-même en 1993. Il est inscrit sur la liste de sauvegarde de la Région de Bruxelles-Capitale depuis novembre 2018. Il a été définitivement rénové par le promoteur bruxellois Inside Development pour le compte de la société de coworking Fosbury & Sons.

Par ailleurs, s’il est une cité en Belgique qui incarne le brutalisme, c’est bien Louvain-la-Neuve, non loin de Bruxelles. Et, d’après Marc Dubois, un des symboles majeurs de cette ville est l’ancienne Bibliothèque des Sciences et Technologies, dessinée par le grand architecte belge André Jacqmain en 1975. En 2017, la bibliothèque fut transformée avec l’approbation de son concepteur et devint le Musée L. Son architecture unique, caractérisée par des façades en béton brut, en fait un repère incontestable. Le bâtiment se distingue par son immense toiture à un seul versant. L’utilisation du béton brut de décoffrage confère à la structure une texture particulière, typique du brutalisme. A l’intérieur, des éléments élégants intégrés, mobiliers, luminaires et chauffage du designer Jules Wabbes, contrastent avec le vaisseau de béton. Si vous voulez vous faire une idée de la poésie du brutalisme, n’hésitez pas à visiter le Musée L ou à installer votre bureau chez Fosbury & Sons

Paul Grosjean

Chroniqueur historique

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