Retour sur l’histoire fabuleuse de l’Astoria
Ce mercredi, j’ai participé au dernier tournage de l’émission Quartiers de BX1 dont Xavier Van Dooren est le sympathique animateur. Cette émission sera, cette fois-ci, consacrée à l’Hôtel Astoria. Quel privilège de pouvoir visiter ce superbe édifice ! Grâce au groupe Corinthia, le tourisme bruxellois peut à nouveau proposer à ses clients un hôtel de la catégorie des palaces. On ne remerciera jamais assez cette entreprise maltaise d’avoir pris ce risque. Comme on ne la remerciera jamais assez d’avoir restauré ce trésor du patrimoine bruxellois. C’est pourquoi il me paraît essentiel de rappeler l’ADN de ce bâtiment iconique de Bruxelles, de Henri Van Dievoet à Francis Metzger…
A Bruxelles, les grands projets sont souvent partis de Léopold II. C’est le cas de l’Hôtel Astoria, situé dans le Quartier Royal au numéro 103 de la Rue Royale. Il fut érigé à la demande du Roi Bâtisseur, sur les décombres de l’Hôtel Mengelle, dans la perspective de l’Exposition Universelle de 1910. Le bâtiment, conçu par l’architecte Henri Van Dievoet (1869-1931), petit-neveu de Joseph Poelaert et ami de Victor Horta, fut ainsi achevé au cours de l’été 1910, soit quelques mois après le décès de Léopold II. Construit par la famille Mengelle-Devillers, il faisait partie des trois hôtels les plus prestigieux de Bruxelles à la Belle Epoque, avec le Grand Hôtel du Boulevard Anspach (aujourd’hui détruit) et l’Hôtel Métropole de la Place de Brouckère. Le jeune prince et futur empereur du Japon, Hirohito, fut le premier hôte à loger dans la Suite Royale (mais pas impériale). Apparemment inspiré par l’esprit parisien (qu’on retrouve notamment au Ritz), l’Hôtel Astoria excipe du style « Beaux-Arts », comme vous pouvez le constater sur sa façade Louis XVI et dans ses intérieurs Louis XV. L’hôtel (qui comptait 108 chambres) était doté d’une verrière incurvée à deux étages, de vitraux, de sols en marbre, de colonnes de granit rose de part et d’autre de l’entrée principale et d’un escalier monumental en marbre. Grâce à sa renommée, l’établissement attira de nombreux « people » dont Winston Churchill, le Shah d’Iran, Marguerite Yourcenar, Salvador Dali, James Joyce, Dwight Eisenhower, Gérard Philippe, Maurice Chevalier ou Serge Gainsbourg.
Mais au fil des ans, l’usure naturelle fit son œuvre, transformant l’hôtel. C’est ainsi qu’en 1947, la spectaculaire verrière, pour préserver son étanchéité, fut remplacée par un simple toit plat. Ceci n’empêcha pas que, 53 ans plus tard, le 21 septembre 2000, la façade Belle Epoque, le toit et une partie de l’intérieur de l’hôtel furent classés au patrimoine matériel de la Région de Bruxelles-Capitale. En 2007, l’Astoria (dont la gestion avait été confiée par la famille Goossens-Bara-Devillers au Groupe Accor) ferma ses portes pour cause de rénovation. En 2008, le cheikh saoudien Mohammed El-Khereji acheta l’hôtel pour le réhabiliter. L’architecte Francis Metzger (du bureau MA2) fut désigné pour diriger les travaux de restauration. Huit ans plus tard, l’Astoria fut racheté par le groupe maltais Corinthia Hotel. La rénovation fut poursuivie par les architectes de MA2. Et ce 9 décembre 2024, après 17 ans de fermeture et 5 ans de travaux, le Corinthia Grand Hotel Astoria Brussels put enfin ouvrir ses portes au public. La réouverture complète (avec ses 126 chambres) devrait avoir lieu au mois d’avril 2025. Affaire donc à suivre pour ce palace dont les couleurs, jaune et bleue, s’apparentent à celles de l’Union Saint-Gilloise…
Paul Grosjean
Chroniqueur historique
+32 477 336 322