Que serait le patrimoine bruxellois sans la Reine Elisabeth ?
La pièce « La Reine Rouge » qui vient de se terminer au Théâtre Royal du Parc a rencontré un grand succès de foule. Cela prouve, une fois de plus, que quand on raconte l’Histoire de Belgique aux Belges, ceux-ci répondent présents. En tout cas, l’œuvre de Valériane De Maerteleire a eu le grand mérite de remettre la Reine Elisabeth au goût du jour. Elle me permet de rappeler à quel point l’épouse d’Albert Ier, par son pouvoir d’influence, a contribué, de manière remarquable, à la renommée du patrimoine, matériel et immatériel, de Bruxelles. A ce sujet, pointons deux de ses grandes passions : l’égyptologie et la musique…
Elisabeth Gabrielle Valérie Marie de Wittelsbach, Duchesse en Bavière (1876-1965), était réellement une femme d’exception. Selon certains, elle tenait son caractère anticonformiste de sa marraine, la glorieuse Impératrice Sissi. Toujours est-il qu’en 1900, elle épousa le Prince Albert de Belgique (qui allait devenir Roi des Belges neuf ans plus tard à la suite du décès de son oncle Léopold II). Après la Première Guerre mondiale (lors de laquelle elle joua un rôle exemplaire), la Reine Elisabeth put s’adonner à ses amours de culture et à ses envies de voyage. C’est ainsi qu’en 1922, elle demanda au célèbre Professeur Jean Capart de l’accompagner en Egypte afin d’assister à l’ouverture officielle de la tombe de Toutankhamon dans la Vallée des Rois. De cette aventure, naquit la Association Egyptologique Reine Elisabeth qui se développa rapidement à l’initiative de l’égyptologue belge. Conférences, colloques, expositions, publications, bourses, expéditions, fouilles, la Reine ne ménagea pas ses efforts pour soutenir les activités de cette organisation (qui existe toujours). Aujourd’hui, si vous avez l’occasion de visiter la collection consacrée à l’Egypte ancienne dans les Musées Royaux d’Art et d’Histoire au Cinquantenaire, vous pouvez avoir une pensée émue pour la Reine Elisabeth…
Un autre lieu prestigieux de Bruxelles où l’âme de la « Reine infirmière » est omniprésente, c’est évidemment le Palais des Beaux-Arts. Pourtant, ce chef d’œuvre de Victor Horta ne fut pas un « long fleuve tranquille ». Pendant des années, la Reine des Belges dut batailler afin de convaincre les décideurs de la nécessité de ce temple de la culture. Finalement, le projet put aboutir grâce à l’intervention du Bourgmestre Adolphe Max et du banquier Henry Le Bœuf. C’est donc le 4 mai 1928 que le superbe bâtiment Art Déco fut inauguré en grande pompe. Et onze ans plus tard, ce fut l’ouverture, non loin de Bruxelles, à Waterloo, de la fameuse Chapelle Musicale….
Mais, en réalité, le patrimoine que nous a légué la Reine Elisabeth est sans doute davantage immatériel que matériel. Férue de musique comme d’égyptologie, elle soutint la création de l’Orchestre National de Belgique en 1936 (qui s’installa au Palais des Beaux-Arts). Un an plus tard, ce fut le lancement du Concours Musical International Reine Elisabeth de Belgique qui, en fait, s’appelait à l’époque Concours Musical International Eugène Ysaÿe (en hommage au célèbre violoniste décédé en 1931). Ce n’est qu’à partir de 1951 que le concours porta définitivement le nom de notre Reine. Bref, c’est depuis près de 75 ans que cet événement labellisé « Reine Elisabeth » contribue de façon significative au rayonnement de la capitale belge. Tous ses lauréats et ils appartiennent à tous les continents, sont autant d’ambassadeurs de Bruxelles à travers le monde. Incontestablement, notre « Reine Rouge » est toujours là…
Paul Grosjean
Chroniqueur historique
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